J'ai lu ce livre la bouche ouverte. C'est un signe, et c'est important, la bouche ouverte quand on tourne les pages d'un livre. Les dents serrées aussi me direz-vous, d'accord. Pour résumer l'ovni, sans toutefois en dire trop : Mikael est un chercheur mysanthrope, d'une intelligence nettement supérieure à la mienne, qui semble incapable d'éprouver la moindre émotion envers ses semblables, ou face aux évènements qui jalonnent sa vie. Mikael a mis au point, en collaboration avec une chercheuse londonnienne, April (elle aussi très très intelligente, mais moins, forcément c'est une femme), un procédé scientifique qui pourrait bouleverser le monde tel que nous le connaissons (j'aime bien cette expression). April se rend compte, en croisant la route d'un personnage qui va devenir son chéri (ça c'est pour le côté fleur bleue de l'auteur, mais ce sujet le chatouille un peu, alors je n'insisterai pas ...), que Mikael a finalement mis en pratique "la théorie des calques", mais qu'il poursuit des ambitions pas très catholiques, à savoir rester le dernier homme sur Terre.

L'entrée dans le roman est diablement réussie, Hadrien utilisant une technique cinématographique qui "découpe" le roman en tranches de vie soigneusement horodatées, tranches de vie de personnages dispersés aux quatre coins du monde, à qui il arrive des choses stupéfiantes. C'est là que je trouve Hadrien Klent très fort, parce qu'il parvient à nous mener par le bout du nez exactement là où il veut qu'on aille, et pas ailleurs, et on le suit (la bouche ouverte), mis en appétit par ces morceaux choisis, ces snapshots, mais sans avoir encore aucune idée de ce qui peut bien se tramer.

Le lecteur est déjà bien avancé dans le roman quand on daigne lui expliquer la théorie des calques, et là, pour l'idée, chapeau.

Ce court roman dont je trouve l'idée géniale est en plus servi dans un style impeccable (ne vous arrêtez au style télégraphique/script des premières pages, vous vous rendrez compte par la suite qu'il sert parfaitement l'histoire).

Et qu'advienne le chaos est le genre de livres (et ils ne sont pas si nombreux) qu'on ouvre, et qu'on ne referme plus avant d'avoir tourné la dernière page. Et encore celle d'après, parce que oui, les mots, l'histoire, la valse des points et des virgules, c'est déjà très bien, mais c'est encore mieux quand l'emballage est chouette. Et je ne peux pas parler du livre-l'histoire sans parler du livre-l'objet, qui est à mon sens une vraie petite œuvre d'art, de l'illustration de la couverture et des pages glissées juste pour faire beau (conception de Lola Duval), à la qualité du papier, en passant par la police, tout est parfait.

Merci Hadrien Klent, merci aux Editions Attila pour ce cadeau.

Pour dire un mot sur Monsieur Klent : inconnu. Hadrien Klent est un pseudo, mais si vous voulez en savoir un peu plus sur la genèse du livre, et ses secrets de fabrication, allez donc faire un tour sur son blog.