J'allais le libérer sans le lire, et cette phrase sur la quatrième de couverture m'en a empêché : "Dès qu'on entre dans l'abrazo, on devine, à son corps, à sa tenue, sa prise, on devine quelque chose du partenaire."
Avec cette répétition du "on devine", comme l'étonnement sans cesse renouvelé d'une chose pourtant familière.

Je sais ce que je pensais avant de lire la quatrième de couverture et de me décider à lire, pour voir, les premières pages de ce petit livre. Je pensais qu'il s'agissait probablement d'une énième bouillie de bourgeoise universitaire parisienne, publiée par et écrite pour des gens strictement identiques à elle-même et sans la moindre once d'intérêt pour tous les autres. Ce n'était pas très gentil et ça m'apprendra, car en réalité ce fut une lecture très agréable, pleine de réminiscence de plaisirs passés (la danse, le tango, l'Argentine, ...) et un peu perdues de vue, dépliées avec douceur et finesse, sans jamais donner l'impression de s'égarer, vers beaucoup d'autres directions, notamment celles de la lecture et de l'écriture, à travers ces belles notions de secrets d'initiés et de secrets communs. Peut-être Belinda Cannone se lance-t-elle dans l'écriture de ses livres comme dans ses tandas à la milonga, avec le simple espoir de rencontrer la grâce, et là, je crois que ça a marché.

"Si je ne lisais pas, que saurais-je de la vie dans sa complexité et ses ambiguïtés, moi dont l'existence est si réduite - à une aire géographique, des habitudes qui sont celles de ma société, quelques activités, quelques amis me ressemblant..."

A la recherche d'autres mains pour tourner ses pages.