Perec est mort en 1982, à 45 ans -ô injustice, ô cruelle nature.
Et pourtant il publie encore des inédits.

Le mérite en revient à sa petite-nièce et ayant-droit, ainsi qu'à une pléiade de talents inspirés et révérencieux : exhumer du Fonds Perec de la bibliothèque de l'Arsenal, à Paris, 233 enveloppes cachetées à la cire par l'auteur, contenant un "programme" qu'il ne put ou ne voulut mener à bien.

L'idée était la suivante :
à partir de douze lieux de Paris qui comptèrent pour lui, écrire chaque année, pendant douze ans, un texte sur les souvenirs qu'il en avait, et la réalité de ce lieu au moment de l'écriture.
Objectif : constater trois vieillissements ; celui du lieu lui-même, de sa mémoire, de son écriture.

Censé durer de janvier 1969 à fin 1980, le projet s'arrêta en 1975, par lassitude. "L'avenue Junot m'emmerde", y apprend-t-on par exemple. Sans compter que dans l'intervalle, Perec n'a pas chômé. Outre ses fonctions à l'Oulipo et des publications régulières dans diverses revues, il tourna son long-métrage Un homme qui dort et surtout, commença son chef-d'oeuvre : La Vie mode d'emploi, qui paraît en 1978 (prix Médicis).

Une partie de Lieux était déjà connue : celle qu'il avait bien voulu divulguer, notamment dans "Espèces d'espaces" (Seuil, Bibliothèque du XXème siècle), sur la rue Vilin, celle de ses premières années, lorsqu'il avait encore ses parents -son père est mort au front en mai 40, sa mère disparut à Auschwitz.

Tout est là désormais : 1.314 grammes de Perec pur, cadeau inimaginable quarante ans après lui.

Seuil 2022, 600 p.