Le coeur de l'Angleterre

by Jonathan Coe | Literature & Fiction | This book has not been rated.
ISBN: 2072829526 Global Overview for this book
Registered by Victor-Schmara of Lille, Nord-Pas-de-Calais France on 4/9/2020
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Journal Entry 1 by Victor-Schmara from Lille, Nord-Pas-de-Calais France on Thursday, April 9, 2020

Attention, auteur majuscule, et livre majeur.


La suite de Bienvenue au club et du Cercle fermé, mais on peut le lire indépendamment.

C'est à la fois un roman, un vrai, avec des personnages -une quinzaine, impeccablement brossés-, des histoires, d'amour, de carrières, de filiation, d'humour, d'argent, mais c'est aussi un livre politique, une impressionnante description, de l'intérieur et sans démonstration, tout en suggestion, de la manière dont le Royaume-Uni a basculé dans le Brexit.

Insidieusement, par petites touches, Coe dépeint des familles, des amis, des collègues, que le clivage Remain / Leave va écarteler sur la dernière décennie, et il montre pourquoi et comment.

Pourquoi, c'est d'abord par des arguments, disons, rationnels : "il y a de plus en plus d'étrangers", "notre pays perd ses valeurs", "Bruxelles nous impose ses lois", "L'Allemagne veut nous dominer économiquement après l'avoir tenté militairement en 40."

Comment, c'est par des arguments passionnels, très habilement ressassés, attisés, par des think tanks et autres orfèvres des réseaux sociaux, aux motivations troubles.
Ils réussirent d'abord à convaincre David Cameron et son cabinet de s'engager sur un référendum, que ces derniers jugeaient imperdable, puis de promettre d'en respecter l'issue.
Ils réussirent surtout à radicaliser la part du peuple britannique qu'ils sentaient mûre à reconnaître et intégrer des arguments fallacieux.
Ce fut l'autobus rouge de Boris Johnson arborant « Nous envoyons 350 millions de livres à l'UE par semaine, finançons le NHS [le service de santé] à la place » ; puis des épouvantails aussi oiseux que "Bruxelles va interdire les chips aux crevettes, les bananes incurvées", ou "La Turquie va entrer dans l'UE."
Au moins, des extrapolations tendancieuses, au pire, des mensonges.

Les personnages du livre sont pris dans ce tourbillon, qui tiraille le pays et met à mal son unité depuis bientôt cinq ans. Ils se fâchent, s'empoignent, certains se séparent, d'autres se vouent une rancune tenace, quand voici quelques mois encore ils faisaient des projets en commun.

C'est un tour de force. J'ai adoré.

Gallimard 2019, 540 p.

Journal Entry 2 by Victor-Schmara at Lille, Nord-Pas-de-Calais France on Thursday, April 9, 2020
Un personnage, surtout, Douglas -un éditorialiste en vue qui s'est gagné la confiance d'un conseiller du 10 Downing Street- permet à Coe des scènes invraisemblables de vraisemblance, telle celle-ci :

(Octobre 2017, plus d'un an après le référendum et la démission du premier ministre)

[Nigel, son ex-conseiller] - L'avenir reconnaîtra les années Cameron comme une grande époque. Je le crois sincèrement.
[Douglas] - Ah oui ?
- C'était un radical. Un modernisateur. Un homme doué d'une vision et d'un grand courage moral et personnel.
- Vous trouvez courageux d'avoir démissionné au lendemain du référendum en laissant les autres gérer la casse ?
- Il montre par là qu'il est un homme de principes. Un homme qui tient ses promesses.
- Mais il avait promis de ne pas démissionner s'il perdait le scrutin.
- Et un homme prêt à changer d'avis quand les circonstances l'exigent.

Nigel parlait avec beaucoup de passion. Il fit pitié à Doug, tout à coup.

- Et vous êtes toujours en contact, lui et vous ?
- Je n'aime pas m'imposer. J'ai l'impression qu'il ne faut pas que je le dérange. Il est devenu quelqu'un d'autre depuis sa démission. Très humble. Contemplatif. Il s'est rendu compte que l'heure était venue de prendre des décisions majeures concernant le reste de sa vie.
- Par exemple ?
- Eh bien, il s'est acheté un abri de jardin.
- Ah oui, j'ai lu ça.
- Cet achat a constitué une étape importante pour lui. Vous n'imaginez pas combien il a changé depuis.
- Je veux bien le croire ! Vingt-cinq mille livres, j'espère qu'elle est agréable, sa cabane !
- Douglas, reprit Nigel en le fixant d'un oeil solennel, il est magnifique, cet abri de jardin. Et ce qu'il y fait est magnifique.
- À savoir ?
- Il y écrit ses Mémoires. L'histoire du référendum. La véritable histoire du référendum. Ce sera son cadeau au monde.
- Son cadeau ? Vous voulez dire qu'il va diffuser son bouquin à titre gracieux ?
Nigel sourit. L'espace d'un instant, on aurait pu croire qu'il allait relever cette pique. Mais il ne semblait plus en avoir l'énergie.
- Je crois comprendre qu'il a déjà fait des conférences sur le sujet aux États-Unis, poursuivit Doug. Pour la modique somme de cent vingt mille dollars de l'heure, selon les journaux.
- Ce que racontent les journaux britanniques est très rarement vrai, Douglas, vous n'êtes pas trop mal placé pour le savoir. Et moi qui les ravitaille en anecdotes depuis tant d'années, je sais de quoi je parle.

Autrefois, songea Doug, Nigel disait ces choses comme s'il ne percevait pas à quel point il se nuisait à lui-même. À présent, il faisait l'effet d'un homme qui exprime simplement une vérité mélancolique. Peut-être pourrait-il lui arracher quelques révélations puisqu'il était d'humeur à se mettre à table.
C'était la première fois qu'ils se voyaient depuis que Theresa May était devenue Première ministre dans le chaos qui avait suivi le référendum. Peu de journalistes s'étaient montrés capables de voir ce qu'elle avait dans le ventre à ce moment-là. On avait du mal à comprendre comment quelqu'un d'aussi attaché à l'adhésion à l'Europe avait pu accomplir sans bavure un virage à cent quatre-vingts degrés et accepter la responsabilité de mener son pays au Brexit. Doug tenait-il une chance de se rapprocher de la clef du mystère ?
Il se pencha en avant.
- Allez, Nigel, une faveur, la dernière. Dites-moi comment c'est en vrai.
Nigel lui lança un regard interrogateur.
- Comment c'est ?
- De travailler pour Theresa. Elle est comment ? C'est une telle énigme, cette femme. Aucun d'entre nous n'arrive à comprendre ce qu'elle veut, ce qu'elle pense, ce qu'elle croit vraiment.
Devant cette question, Nigel changea aussitôt d' attitude. Il retrouva son vieux quant-à-soi, s'auréola de mystère.
- Theresa est... très différente de Dave.
- Oui ?
- Je dirais que c'est une femme... pleine de contradictions.
- Par exemple ?
- Eh bien, elle est très ambitieuse, mais assez prudente tout de même. Elle se fait son idée et en même temps elle se fie beaucoup à ses conseillers. Elle croit en un leadership fort, mais considère aussi qu'il faut suivre la volonté du peuple.
- Ah, la volonté du peuple, je me demandais quand cette formule allait ressortir.
- On l'entend beaucoup au QG du parti, ces temps-ci.
Il eut l'air déprimé, de nouveau. Doug en profita pour demander :
- Le moral est bon ? En général, je veux dire.
- Un moral... d'acier, dit Nigel en déglutissant avec effort. C'est une période passionnante, de toute évidence. La Grande-Bretagne est à un tournant, et nous sommes à l'épicentre du... à... l'épicentre du maelstrom qui... est en train de transfigurer la réalité politique de ce qui est... une conséquence très sismique où... les plaques tectoniques de notre histoire nationale se déplacent d'une façon... métamorphique, et donc, être témoin de...”

Il s'interrompit brusquement. Son regard se vida de toute expression. Ses épaules s'affaissèrent. Il contempla la surface mousseuse de son café une bonne minute. Enfin, il leva les yeux et les mots qu'il articula parurent à Doug les plus sincères qui aient jamais passé ses lèvres.
- On est dans la merde.
- Pardon ?
- On est dans la merde jusqu'au cou. C'est le chaos. On court dans tous les sens comme des poulets sans tête. C'est le grand n'importe quoi. On est dans la merde in-té-grale.
Doug sortit précipitamment son portable et se mit à enregistrer.
- Officiel ?
- On s'en fout. On est dans la merde, alors quelle importance ?
- Quel chaos ? Qui court comme un poulet sans tête ?
- C'est le chaos dans tous les sens du terme, et tout le monde court. Personne ne s'attendait à ce résultat. Personne n'était prêt. Personne ne sait ce qu'est le Brexit. Personne ne sait comment s'y prendre. Il y a un an et demi, ils disaient tous "Brixit ". Personne ne sait ce que Brexit veut dire.
- J'aurais pensé que Brexit voulait dire Brexit...
- Très drôle. Et vous le voyez comment ?
- "En rouge, blanc et bleu", cita Doug, puis, comme il prenait de nouveau Nigel en pitié - il lui paraissait si desemparé -, il ajouta :
Mais enfin, ils ont forcément des tas de conseillers politiques, d'experts...
- D'experts ? répéta Nigel avec amertume. On ne fait plus confiance aux experts, vous l'avez oublié ? La chaîne du commandement est simplissime. Chacun reçoit ses instructions de Theresa, qui reçoit les siennes du [Daily] Mail. Ajoutez un ou deux think tanks qui sont tellement fanas du libre-échange qu'on ne leur permettrait même pas de...
- Ces think tanks, demanda Doug, sa curiosité aiguisée, il n'y en aurait pas un qui s'appellerait la Fondation Imperium, par hasard ?
- Oh mon Dieu, dit Nigel en se prenant la tête à deux mains. Ils sont tout le temps sur notre dos, ceux-là . Ils viennent à toutes les réunions. Ils nous bombardent de tableaux Excel. La volonté du peuple, tu parles ! Les voila, les cinglés qui ont pris le pouvoir.
- Cameron leur aurait mieux tenu tête, vous croyez ?
- Cameron ? répondit Nigel avec une grimace. Quel crétin. Quel connard de première, authentique et garanti sur facture. Le voilà qui écrit ses Mémoires dans sa cabane, putain. Regardez-moi un peu le bazar qu'il laisse derrière lui. Nous voilà tous à couteaux tirés. Les étrangers se font insulter dans la rue. Ils se font agresser dans le bus, on leur dit de retourner dans leur pays. Celui qui essaie de prendre un peu de recul se fait traiter de traître et d'ennemi du peuple . Cameron a cassé le pays, Doug. Il a cassé le pays, et puis il s'est barré."

Journal Entry 3 by Victor-Schmara at Lille, Nord-Pas-de-Calais France on Wednesday, September 2, 2020

Released 3 yrs ago (9/2/2020 UTC) at Lille, Nord-Pas-de-Calais France

CONTROLLED RELEASE NOTES:

Opération 17 ans de BC :
pour Glaros !

Journal Entry 4 by GLAROS at Larissa / Λάρισα, Larisa Greece on Thursday, September 10, 2020
Bien arrivé à Larissa ���� , grand merci !!!

Vivement tes 17 ans (!) au bookcrossing 📘📚📙

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