Sic transit gloria mundi.


Je vais être clair : Ellis m'avait renversé d'admiration avec ses deux premiers livres, Moins que zéro et Les lois de l'attraction.

Quand je les ai découverts je sortais du monde des écoles que justement ils nous dépeignent : la vie des campus américains, côte Est puis côte Ouest. J'y retrouvai alors une même toile de fond studieuse et exigeante, mais avec ce twist saisissant d'un focus sur les coulisses des étudiants -du moins des étudiants aisés- : un détachement total des obligations universitaires ; des journées et des nuits entièrement dédiés à la bringue ; à comment s'en remettre le lendemain ; à comment trouver un sens à cette frivolité perpétuelle.
C'était juste, décalé, anticonformiste, contestataire, brillant.

Puis, auréolé de ces deux succès, unanimement qualifié d'auteur prometteur, chouchou des médias, il s'isola, se mit en retrait. Dans le calme d'un deux-pièces sur la 12ème rue, à New York, il rédigea alors American psycho. Polémique mondiale, réprobations ou louanges incandescentes, menaces de mort, succès total au box-office, date dans la littérature.

Puis, après quatre livres moins commentés, voici White, une sorte d'autobiographie explicative et repentante.

Il revient sur les années d'American psycho : à l'époque (fin '80), il avait trouvé un modèle pour son héros trader-yuppie-psychopathe : Donald Trump. Il en paraît gêné aujourd'hui, mais pas plus que ça. Visiblement l'homme conserve à ses yeux du crédit, une stature certaine.

Il revient sur son cri de joie à la mort de Salinger (L'attrape-coeurs, daube absolue (avis personnel)), et plus largement sur quelques tweets, aussi inutiles qu'imprudents, qui lui valurent des volées de bois vert dans ce monde singulier d'Hollywood, et qu'il justifie piteusement par une consommation inconsidérée de substances variablement licites.

Aujourd'hui il est aigri, relégué au second plan, un peu pestiféré, littéralement has been.
Il n'est plus ce qu'il a été et, cause ou conséquence, nous assène l'un des poncifs les plus irritants au monde : C'était mieux avant.

Triste : l'un de mes héros glisse vers la sénilité, et un peu de moi avec lui.

Éd. Robert Laffont, coll. Pavillons, 2019, 300 p.

Derrière le sapin des toilettes.
(pas trouvé mieux)