Sous de faux airs de 84 Charing Cross Road, il y a quelque chose.
Tissée compliqué les premières pages, l'histoire offre vite quelques fils à tirer. J'en déroule un, celui reliant pour l'instant timidement le personnage central, une écrivain prénommée Juliet, à Markham Reynolds, son mystérieux expéditeur de tombereaux de roses et de camélias, dans cette froide année 1946 où Londres connaît encore le rationnement d'à peu près tout.

Quant au titre français qui fait son malin, il laisse dans l'ombre un élément essentiel (même deux) du The Guernsey literary and potato peel pie society : en plus, ils en font des tourtes.


NiL Editions, 2009, 390 p.

Les bonnes histoires écrites par des femmes, depuis Charlotte Brontë jusqu'Agatha Christie, regorgent de petits riens que les hommes ne voient pas mais goûtent quand même comme si on leur tendait soudain une loupe parfumée.

"Venons-en à Dawsey Adams. Je l'ai bien observé, selon tes instructions, et il m'a plu. Il est calme, fiable, digne de confiance (Seigneur, on dirait que je parle d'un chien), et il a le sens de l'humour. En résumé, il n'a rien de commun avec les autres soupirants de Juliet -beau compliment, n'est-ce pas ? Il n'a pas beaucoup parlé lors de notre première rencontre, pas plus qu'à nos rencontres suivantes d'ailleurs, maintenant que j'y pense, mais quand il pénètre dans une pièce, tout le monde semble pousser un petit soupir de soulagement."

"Je crois qu'un aristocrate se cache dans les branches de son arbre généalogique ; il est capable de t'adresser un regard de duc bienveillant sans même te regarder."

"C'est un homme mince, mais on devine qu'il était charpenté, jadis. Il a un air à la fois grave et amical. Très étrange comme mélange. Je me suis surprise à avoir envie de l'impressionner."

"La vue sur Guernesey est sans égale lorsqu'on l'approche par la mer, que ce soit au coucher du soleil ou quand elle émerge à peine du brouillard.
C'est ainsi que je l'ai découverte, jeune mariée."

Et de belles histoires, troussées en deux pages :

"4 mars 1946.

Chère Miss,
Au début je n'avais aucune envie d'assister à des réunions littéraires. Ma ferme me donnait beaucoup de travail et je n'avais pas de temps à gaspiller à lire des choses que des personnes qui n'ont jamais existé n'ont jamais faites.
Puis, en 1942, je me suis mis à courtiser la veuve Hubert. [...] Je suis allé chez Mr. Fox et je lui ai demandé des poèmes d'amour. Il ne lui restait plus beaucoup de livres car les gens les achetaient pour les brûler (quand il a fini par comprendre ce qu'il se passait, il a fermé boutique). [...] Après ça , je me suis dit qu'il y avait sans doute du bon dans la poésie, en fin de compte. J'ai commencé à aller aux réunions, et je suis content de l'avoir fait, sinon, je n'aurais jamais lu les oeuvres de William Wordsworth, et il serait demeuré un inconnu pour moi. Je connais beaucoup de ses poèmes par coeur.
Bref, finalement, c'est moi qui ai conquis le coeur de la veuve Hubert. Ma Nancy. Je l'ai emmenée faire une promenade sur les falaises, un soir, et je lui ai dit : "Regarde, Nancy, juste là. La clémence des cieux plane au-dessus de la mer - Ecoute, le Tout-Puissant s'éveille." Elle m'a laissé l'embrasser. Et maintenant, c'est ma femme."

MonopoLibération 4.

Dans la colonne des valises.

Première cible trouvée sans problème.

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