L'amour, roman
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Journal Entry 1 by Penelopita from L'Haÿ-les-Roses, Ile-de-France France on Sunday, September 26, 2004
Page 15 :
"Il y avait longtemps que je n'avais pas ouvert les Maximes, j'ai cherché le passage comme on attend quelqu'un qui n'arrive pas - et si je me trompais, si je l'avais perdu ? Il y a ainsi dans ma vie des pages que j'ai voulues comme on veut un corps - la gorge serrée, les mains qui tremblent - est-ce que j'exagère, est-ce que cela vous semble incroyable ?des pages qui, passé le délai de rigueur par quoi s'impose la rigueur du désir, au moment où, les ressaisissant, je me les remettais en bouche avec délice, des pages qui m'ont comblée comme un corps qu'on prend dans ses bras, ah te voilà, enfin c'est toi!"
(Camille, conseil d'amie : corne le coin de la page, ça ira beaucoup mieux)
Page 223:
"Pourtant, bien sûr, l'objet réel existe - objet d'amour, objet d'art: il y a des gens qu'on aime, comme on finit par écrire des livres. Mais, dira-t-on, que peut faire l'homme aimé dans cette chambre de femme où elle est seule, en quête de quoi, de qui ? Eh bien, il peut être avec elle, seul avec elle, seul à seule. Aimer une femme, aimer vraiment une femme, c'est peut-être seulement l'accompagner dans son attente - ne pas croire qu'on est l'objet de tous ses voeux, "ne cherche plus, c'est moi"; ne pas penser non plus, à l'inverse, qu'il est stupide d'attendre, que c'est vain, ce mouvement vers rien, du féminin dérisoire, du sentimentalisme niais, qu'il n'existe pas, ce dieu caché, ce prince. Non, rester là simplement, dans le respect du guet et de la veille, savoir qu'on est pour elle l'arbre et pas la forêt, l'arbre où elle a peint un repère en vue d'une longue, très longue route, la borne, le buisson, la souche - un relais, un appui, un repos, un refuge avant de poursuivre cette si longue attente, cette quête rêveuse, cette déroute; danser avec elle autour de ce point, la fenêtre, le pont vers l'horizon, l'autre, l'ailleurs, la tenir sans la serrer, l'étreindre sans l'étouffer de jalousie ni de reproches, au bord de cette vitre."
Livre acheté hier, samedi matin; lu aux Tuileries dans l'après-midi, terminé ce matin.
"Il y avait longtemps que je n'avais pas ouvert les Maximes, j'ai cherché le passage comme on attend quelqu'un qui n'arrive pas - et si je me trompais, si je l'avais perdu ? Il y a ainsi dans ma vie des pages que j'ai voulues comme on veut un corps - la gorge serrée, les mains qui tremblent - est-ce que j'exagère, est-ce que cela vous semble incroyable ?des pages qui, passé le délai de rigueur par quoi s'impose la rigueur du désir, au moment où, les ressaisissant, je me les remettais en bouche avec délice, des pages qui m'ont comblée comme un corps qu'on prend dans ses bras, ah te voilà, enfin c'est toi!"
(Camille, conseil d'amie : corne le coin de la page, ça ira beaucoup mieux)
Page 223:
"Pourtant, bien sûr, l'objet réel existe - objet d'amour, objet d'art: il y a des gens qu'on aime, comme on finit par écrire des livres. Mais, dira-t-on, que peut faire l'homme aimé dans cette chambre de femme où elle est seule, en quête de quoi, de qui ? Eh bien, il peut être avec elle, seul avec elle, seul à seule. Aimer une femme, aimer vraiment une femme, c'est peut-être seulement l'accompagner dans son attente - ne pas croire qu'on est l'objet de tous ses voeux, "ne cherche plus, c'est moi"; ne pas penser non plus, à l'inverse, qu'il est stupide d'attendre, que c'est vain, ce mouvement vers rien, du féminin dérisoire, du sentimentalisme niais, qu'il n'existe pas, ce dieu caché, ce prince. Non, rester là simplement, dans le respect du guet et de la veille, savoir qu'on est pour elle l'arbre et pas la forêt, l'arbre où elle a peint un repère en vue d'une longue, très longue route, la borne, le buisson, la souche - un relais, un appui, un repos, un refuge avant de poursuivre cette si longue attente, cette quête rêveuse, cette déroute; danser avec elle autour de ce point, la fenêtre, le pont vers l'horizon, l'autre, l'ailleurs, la tenir sans la serrer, l'étreindre sans l'étouffer de jalousie ni de reproches, au bord de cette vitre."
Livre acheté hier, samedi matin; lu aux Tuileries dans l'après-midi, terminé ce matin.
