Il y a des livres, comme ça, on les lit, ça nous plaît même si on les pense un peu légers, et puis, insensiblement, année après année ils nous restent en mémoire, on en parle souvent autour de soi, alors on réalise qu'ils nous ont marqué(e)s.
C'est le cas de celui-là, pour une raison très prosaïque : l'héroïne, Pollux, apparaît vers la page 60, elle est superbe, un beau personnage, elle fait forte impression, et puis contre toute attente l'auteur la fait disparaître brutalement page 200, et c'est un crève-coeur.
On ne comprend pas.
Elle disparaît, c'est tout.
On ignore pourquoi, et la raison ne nous en est donnée que bien plus loin.
Alors on traverse une vraie expérience de lecteur, comme dans Dix petits nègres : on se dit "c'était donc ça !!?"
Et ça marque à vie. Mais ça on ne le sait pas tout de suite.
Aussi, comme j'y pense depuis vingt ans, je suis retombé dessus, j'y ai vu comme un signe, et je vais le relire.

Julliard, Livre de Poche, 380 p.

C'est page 68, en fait, que Pollux apparaît. Goûtons ce passage :

"Quelques instants plus tard, donc, je tourne gaiement dans la rue du Pélican, et je percute une masse froide, humide et molle."

Voilà, c'est comme ça qu'elle arrive.
Avec, quelques lignes plus loin :

"[...] l'impression d'avoir tamponné une otarie, ou quelque chose comme ça".

Puis :
"- Qu'est-ce qui s'est passé ?
- Un type m'a jeté une bassine d'eau sur la tête."

Et puis, après quelques désarmantes péripéties, voici qu'ils se trouvent pour de vrai :

"Pollux Lesiak vient vers moi en souriant, un verre à la main, et tout le reste du monde vivant disparaît autour d'elle, les invités sont des figurines de pâte à modeler, des automates dans une vitrine de Noël [...]".

Ensuite c'est du lourd.

Et puis [voix de M6], un jour, c'est le drame...